Le Globe

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Faire le mur. Anosibe © Pascal Grimaud

C’est une représentation, une pratique? C’est une méthode…

et je suis enclin à estimer que la géopolitique du temps présent, c’est simplement l’Histoire en train de se faire (…)

Michel Foucher Fronts et frontières, Fayard


La géopolitique associe deux termes d’origine grecque : géo et politique. Géo, c’est la Terre, notre planète. La politique, dans le sens le plus large désigne quant à elle le « vivre ensemble », l’organisation de la cité, les relations de pouvoir entre les hommes. La géopolitique analyse les rapports entre les hommes, et leur espace. (…)

Comprendre les facteurs géographiques, historiques, techniques, économiques et culturels qui façonnent un peuple un état ou une communauté humaine, c’est rendre le monde moins opaque, moins incertain. Les crises, notamment économiques donnent aux hommes un terrible sentiment d’impuissance. Pourtant elles obéissent à des logiques des enchaînements qui peuvent être décortiqués. De même les guerres ne résultent ni de la fatalité ni du caprice : elles sont le produit de déséquilibre, de rivalités, d’engrenage, qui peuvent et doivent être expliqués. Les enjeux géopolitiques peuvent être expliqués. Leur ressort ce sont les passions humaines : la peur, l’envie, l’ambition, ou parfois, le soucis des autres …

La géopolitique ne fait peut être qu’observer les passions et les préjugés et les illusions des hommes …

Philippe Moreau Defarges, Introduction à la géopolitique


Lettre


Je suis un collectionneur de cartes diverses et variées avec un fort intérêt pour les cartes géologiques – intérêt lié à mon ancien métier -, bien plus que pour les cartes d’états major, même si les cartes stratégiques des déserts nous font vite oublier l’étrange désir des hommes de quadriller des tas de cailloux. Je possède nombres d’atlas souvent chargés d’une vision toute occidentale, et je préfère donc la “projection de Peters” qui à la fois a déformé les continents, mais montré toutes les terres à la même échelle, et ainsi redonné espoir aux tiers-mondistes, en nous faisant prendre conscience de l’importance des pays du Sud. Et ce qui permet de se moquer de Mercator, géographe et cartographe flamand, comme son nom ne l’indique pas, créateur d’un planisphère qui propose “une taille du Groenland plus grande que le continent sud-américain, alors que dans les faits, ce territoire est plus petit que l’Arabie Saoudite”. Mercator s’était trompé, mais il devait certainement beaucoup rêver … au 16ème siècle. Mais chacun sait que c’est Eckert – quel drôle de nom -, qui donnera au monde une projection “neutre“ (projection retenue d’ailleurs par notoire au verso des journaux du cycle de l’étranger(s)). Au-delà de ma passion, ce que je sais, c’est qu’en observant ces cartes et atlas et planisphères, on oublie assez vite nos visions hexagonales – l’hexagone est vraiment une forme géométrique fatigante -, et à part en rester à des cartes isothermes ou de précipitations annuelles sur notre pays, c’est vite l’ensemble du monde qui devient un monde extraordinaire. Et un monde de toutes les couleurs …

Thierry Bedard


Le cycle de l’étranger(s) a la prétention de raconter l’ordre, et le désordre du monde. Et en particulier aux enfants. Le Globe raconte le monde du point de vue de la Géopolitique – une science moderne, assez bavarde et tout à fait critiquable, pas encore enseignée à l’école. Et énonce franchement comment les hommes voient le monde, possèdent le monde ou l’imaginent à leur manière, comment les conflits naissent, comment les terreurs s’installent, comment la crainte de l’autre peut déclencher des guerres implacables. Mais aussi comment les hommes vivent en paix, et grâce à quelle(s) stratégie(s) …

Et la première stratégie, c’est se mettre d’accord sur la représentation du monde ! Toute personne qui a voyagé loin, dans un autre hémisphère, sait que les planisphères vus de Chine ou d’Australie nous mettent … la tête à l’envers et que le globe peut prendre une toute autre orientation …

Surtout quand le Globe – le spectacle – commenté par un spécialiste partisan d’une explication rationnelle du monde, est manipulé par un assistant maladroit qui n’aime que… la Géographie !

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L’absurdité naît de la confrontation ente l’appel humain et le silence déraisonnable du monde
Albert Camus

L’épave du Edward Bohlen


Le réchauffement climatique, résultat de l’insatiable faim d’énergies fossiles dans les pays les plus anciennement industrialisés, frappe le plus durement les régions les plus pauvres du monde : il y a là une ironie amère qui dément cruellement tout espoir que la vie soit juste. Il est en Allemagne une photo que nombre connaissent : elle représente la paquebot Edward Bohlen, dont l’épave s’enfonce depuis près de cent ans dans le sable du désert de Namibie. Ce navire joue un petit rôle dans l’histoire de la grande injustice. Il s’échoua par temps de brouillard, le 5 septembre 1909, sur la côte du pays qui s’appelait alors Deutsch-Südwestafrica. Aujourd’hui, l’épave se trouve à deux cents mètres à l’intérieur des terres ; le désert n’a cessé de gagner sur l’océan. Le Edward Bohlen, de la Woermann-Linie de Hambourg, desservait régulièrement la colonie allemande depuis 1891. Pendant la guerre d’extermination menée par l’administration coloniale allemande contre les Herero et les Nama, le paquebot fut converti en navire négrier.


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Le Edward Bohlen finit aujourd’hui de rouiller dans le sable et il se pourrait qu’un jour le modèle tout entier de la société occidentale, avec toutes ses conquêtes en matière de démocratie, de libertés, de tolérance, de création artistique et de culture, apparaisse aux yeux d’un historien du XXIIe siècle comme un vestige aussi incongru que ce navire négrier voguant désormais dans le désert, comme un corps étranger venant d’un autre monde.
Harald Welzer / Les guerres du climat. Pourquoi on tue au XXIème siècle / NRF essais Gallimard 2009


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EXTRAIT

La spécialiste :

Alors, pour terminer avant de passer aux choses sérieuses … une définition de la géopolitique par Yves Lacoste, un très grand géographe, passionné – il dit qu’en géographie, tout est affaire de sentiments – passionné de …

(enregistré)

Pour donner une définition « La géopolitique, c’est ce regard porté, grâce aux cartes d’échelles très différentes,

La spécialiste : Ah, j’ai oublié de parler des échelles …

sur des terrains et des espaces de dimensions très inégales, ce regard porté (d’en haut) pour tenter de comprendre les mouvements, les avancées et les reculs, les victoires et les défaites, dans la lutte que se livrent les états et autres forces politiques pour la conquête et le contrôle des territoires. »

La spécialiste : Alors, excusez moi, j’ai oublié de parler des échelles. (à l’assistant) Vous pouvez expliquer …

L’assistant : (très lent)

Pour simplifier, vous savez que pour représenter la Terre, il faut utiliser une échelle.

Et, pour représenter l’ensemble de la Terre, il faut utiliser une … petite échelle, et non une grande échelle, comme on le pense simplement, en effet l’échelle est un rapport mathématique (très content) : les cartes à grande échelle, 1/200 000 ou 1/50 000 sont très détaillées et représentent des territoires assez petits. Une carte au 1/25 000 est déjà très précise, et les cartes spécialisées, des géologues par exemple, sont encore à plus grande échelle …

Mais, par un contresens d’usage courant, on parle d’une opération à grande échelle – pas d’une opération mathématique (pas content) –, pour décrire … euh, par exemple …

La spécialiste : Pour décrire, par exemple, une activité militaire, qui met en oeuvre de grands moyens : des chars, des avions, des milliers de soldats, des forces militaires “en veux-tu en voilà !”, sur un endroit très grand, à “l’échelle” d’un pays. On devrait parler d’opérations à petite échelle, mais ça serait ridicule : une guerre à petite échelle !

L’assistant : Alors les cartographes, les géographes, qui sont des scientifiques, souffrent de ce contresens, et ont des symptômes étranges à confondre les échelles … les échelles appliquées à la représentation …

La spécialiste : (pas le spectacle !).

L’assistant : … et les échelles des phénomènes … qui expriment leur importance (géopolitique) par l’importance géographique. Pour simplifier …

La spécialiste : Alors les échelles (elle est au bord de la folie), l’échelle que … l’échelle ? Vous avez préparé l’échelle ? L’échelle !

L’assistant court de cour à jardin, et réapparait avec … une échelle.

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DISTRIBUTION

texte et mise en scène Thierry Bedard


avec Rébecca Finet et Thibaut Lacroix

création sonore Jean-Pascal Lamand

création lumière Vivane Givort-Vermignon

assistant à la scénographie Jean-Pierre Giraud

assistante à la mise en scène Tünde Deak

régie son Valérie Bajcsa/Vincent Chabot

journal Agence Thérèse Troïka

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PRODUCTION

production déléguée Bonlieu – Scène nationale Annecy

production notoire / de l’étranger(s) – Paris

notoire est conventionnée par la DRAC Ile de France

Thierry Bedard – notoire est artiste associé à Bonlieu scène nationale dans le cadre du centre d’art et de création

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ACTUALITE

Le Globe

18 au 20 avril 2012
Comédie de Picardie / Amiens

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BONUS

{> télécharger le dossier en pdf

{> « La Terre et six milliards d’hommes »,
texte d’Yves Lacoste extrait de La légende de la Terre, éd.Champs/Flammarion

pictos {> sons / vidéos / photos

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photos: Thierry Burlot


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photos: Thierry Burlot

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photos: Thierry Burlot